V-Cult est entreprise lilloise fondée en 2009 développant des solutions en réalité virtuelle ou en web 3d pour accompagner les entreprises dans de nouvelles façons de mettre en avant les produits des marques. Parallèlement, V-Cult est également à l’origine du premier réseau social en réalité virtuelle : Beloola.com.
Rencontre avec Samuel Mound, co-fondateur, Product & Marketing Manager au sein de l’entreprise V-Cult à Lille.
Pourrais-tu me présenter en quelques lignes ce qu’est V-Cult et quels types de services vous proposez ?
V-Cult est un studio créatif expert du web 3D et de la réalité virtuelle depuis 2009. Notre société a développé un moteur graphique web 3D parmi les plus avancés sur le marché et permettant aux expériences 3D et VR que nous créons d’être accessibles nativement sur tous les navigateurs web, c’est-à-dire sans téléchargement de logiciel ou d’application requis de la part de l’utilisateur.
Initialement développée pour sa plateforme sociale immersive Beloola.com que nous avons lancée en version bêta en septembre 2015, cette technologie vient aujourd’hui s’intégrer à l’offre BtoB que nous avons créée en avril 2016 : design d’expériences immersives pour sublimer le storytelling de marque et outils d’aide à la décision pour booster la performance commerciale et managériale des entreprises (exemple : outil d’aide à la vente de véhicules pour un concessionnaire automobile).
Comment définirais-tu la réalité augmentée et la réalité virtuelle et, selon toi, en quoi ces procédés peuvent avoir un réel apport dans des domaines autres que celui du jeu video ?
La réalité augmentée (ou AR) consiste à superposer en temps réel des éléments virtuels sur notre perception du réel. Un exemple très basique de la réalité augmentée est Pokémon Go, le célèbre jeu mobile sur lequel le joueur interagit avec un Pokémon dont l’animation est superposée en temps réel à ce que capture l’appareil photo du téléphone. En d’autres termes, l’AR augmente notre perception de la réalité et a des champs d’application très portés sur l’utilitaire. L’AR peut être utilisée sur des écrans plats (téléphones, tablettes) comme sur des casques dédiés type Microsoft HoloLens ou Meta. On peut facilement imaginer dans le futur des usages banalisés de la réalité augmentée dans des tas de professions et notamment l’industrie (exemple : assistants virtuels et tutoriels de maintenance sur sites industriels via projection d’hologrammes interactifs lorsqu’un technicien est confronté à une panne sur une machine).
La réalité virtuelle (ou VR) quant à elle consiste à immerger l’utilisateur dans un environnement virtuel simulé par ordinateur. L’application de réalité virtuelle peut également créer des stimuli sensoriels visant à modifier la perception de l’utilisateur. Ici, la technologie crée une nouvelle réalité, par conséquent virtuelle. Pour expérimenter la réalité virtuelle, il est nécessaire de casser la barrière de l’écran plat et d’utiliser un casque de réalité virtuelle approprié, qui n’est jamais qu’un écran simulant une vue stéréoscopique et sur lequel sont collées deux lentilles et grâce auquel l’utilisateur peut visualiser un environnement à 360°.
La vidéo 360° est d’ailleurs souvent présentée comme une expérience de réalité virtuelle bien que l’immersion qu’elle procure ne soit que partielle et contemplative ; ici, l’utilisateur n’interagit pas avec le contenu virtuel et seuls des stimuli visuels et auditifs sont établis. Certains systèmes VR plus avancés tels que l’Oculus Rift ou le HTC Vive permettent à l’utilisateur d’interagir de façon plus profonde avec son environnement virtuel : par l’intermédiaire des manettes avec lesquelles l’utilisateur peut manipuler des objets virtuels, ou encore grâce au roomscale, zone dans laquelle l’utilisateur peut se déplacer physiquement en synchronisation totale avec l’expérience virtuelle qu’il est en train de vivre.
L’énorme avantage de la réalité virtuelle est qu’elle permet de visualiser des choses qui n’existent pas dans le réel. En cela, elle constitue une avancée considérable dans les procédés de CAO (Conception Assistée par Ordinateur), par exemple dans l’industrie automobile. La VR permet également de simuler des scénarios de formation des collaborateurs pour limiter les coûts et les risques liés aux exercices réels (procédé déjà expérimenté par l’armée américaine depuis les années 80 pour la simulation de tanks, projet SIMNET). Enfin, la VR peut simplement aider un consommateur à mieux se projeter dans l’acquisition d’un futur bien pas encore produit ou livré, à l’instar d’un bien immobilier. Chez V-Cult, nous avons notamment aidé le promoteur immobilier Nacarat à doper ses ventes d’appartements neufs avant construction grâce à la réalité virtuelle, pour la simple et bonne raison que la projection dans l’espace qu’elle procure est bien plus convaincante qu’un basique plan de masse en deux dimensions.
"La réalité virtuelle constitue une avancée considérable
dans les procédés de CAO"
À terme, AR et VR sont voués à se mélanger et à former ce que nous appelons "Réalité Mixte" ou MR pour "Mixed Reality". Dans le cadre de la MR, le virtuel influe sur le réel et vice versa, objets physiques et virtuels interagissent en temps réel. Le déplacement d’un objet physique reconnu par l’application de réalité virtuelle va par exemple avoir une incidence directe sur l’expérience virtuelle (virtualité augmentée), et une action virtuelle va avoir une implication directe sur le réel (réalité augmentée). De nombreux experts considèrent d’ailleurs que les casques AR type Microsoft HoloLens sont en réalité des casques de MR.
Pourrais-tu présenter un ou deux projets sur lesquels vous avez travaillé et ce que la RA ou la VR ont apporté comme changement ?
J’évoquais notamment le cas de Nacarat pour la promotion immobilière. À partir des plans de masse du programme mixte Treize B qui sortira de terre à Euratechnologies à Lille en 2018, nous avons modélisé à l’échelle 1:1 un appartement témoin en 3D photoréaliste. Directement depuis le bureau des ventes, le potentiel acheteur peut grâce au casque HTC Vive visiter virtuellement son appartement comme s’il y était déjà. Cet outil a l’avantage d’optimiser le processus de décision et d’accélérer la vente. Sur ce programme, Nacarat a vendu 19 de ses 23 appartements disponibles en accession libre sur le seul week-end de lancement du projet, soit environ trois fois plus qu’en temps normal.
Très loin de la promotion immobilière, nous travaillons avec le groupe Moët Hennessy (la division vins et spiritueux du groupe LVMH) sur un outil de formation des collaborateurs en réalité virtuelle. Le groupe possède de nombreuses équipes commerciales et d’ambassadeurs de marque répartis aux quatre coins du globe, et peu d’entre eux ont durant leur carrière l’opportunité de visiter les sites de production des maisons champagne, vins et spiritueux souvent gorgés d’histoire et au patrimoine absolument éblouissant. Grâce à notre expérience WebVR (application VR accessible nativement sur le navigateur web sans téléchargement, soit un site web en réalité virtuelle), les collaborateurs peuvent visiter les fabuleuses crayères de Ruinart ou Veuve Clicquot en vidéo 360° et en apprendre plus sur le storytelling de la marque grâce à des interfaces de e-learning contextualisées dans l’environnement virtuel (popups textes, vidéos et photos additionnelles, infographies…).
Les dispositifs semblent devenir relativement plus accessibles, mais restent tout de même plutôt onéreux en grande majorité. Est-ce que cet investissement coûteux ne risque pas d’être un frein, pour les entreprises comme pour leurs clients ?
Il est clair que le PC VR reste encore un marché de niche. Si l’on prend le cas du HTC Vive qui coûte actuellement environ mille euros, il est nécessaire d’être équipé d’un ordinateur à la configuration très puissante (processeur core i7 et carte graphique NVIDIA GTX 1080 a minima), qui coûte généralement le double du casque en lui-même. Nous arrivons donc déjà à une enveloppe de trois mille euros pour un kit HTC Vive + PC VR ready. Ensuite et pour une utilisation optimale, le HTC Vive nécessite également l’installation d’un roomscale, soit une zone libre au sol d’un minimum de 2 ✕ 1,5 mètres (3 ✕ 3 mètres pour une configuration optimale) dans laquelle l’utilisateur pourra se déplacer physiquement afin de renforcer sa sensation d’immersion. Autant dire qu’un étudiant lambda ne possède ni le budget ni de 9 m² disponibles dans son petit T1 requis pour une utilisation optimale du casque. A contrario, trois mille euros ne constituent pas forcément un frein budgétaire pour les entreprises. La question cruciale consiste à identifier les vrais cas d’usage et les problèmes que la réalité virtuelle peut résoudre pour ces entreprises afin de ne pas tomber dans le piège de l’usage "gadget" qui fait du tort à toute l’industrie VR.
Pour ce qui est du grand public, l’adoption de la VR passera résolument et dans un premier temps par le "mobile VR". Aujourd’hui, une grande majorité de la population est équipée d’un smartphone, bien qu’une grande majorité du parc n'est pas réellement compatible VR. Quoi qu’il en soit, il est possible de se procurer un casque de réalité virtuelle pour moins de 100 euros, d’un basique Google Cardboard en carton pour une quinzaine d’euros à un Samsung Gear VR et son contrôleur à 129 euros, sans oublier le lillois Homido et son casque Homido V2 à 69 euros.
Est-ce que la réalité virtuelle et la réalité augmentée ont encore besoin d’être mis en avant ou est-ce que leur succès finalement est suffisamment explicite pour séduire des entreprises à avoir recours à ce type de service ?
Il y a clairement un effet de Hype depuis un an. Beaucoup d’entreprises nous sollicitent pour des besoins événementiels afin d’animer leur présence sur des salons, ce qui nous met parfois dans des positions inconfortables. Un service marketing n’est pas prêt à consacrer le même budget pour un one-shot événementiel que pour une application qui modifiera profondément ses process et créera du véritable ROI. Chez V-Cult et comme pour beaucoup d’autres acteurs de la réalité virtuelle, nous sommes constamment dans une démarche d’évangélisation. Qu’il s’agisse de petits déjeuners, de workshops ou de salons professionnels, nous prenons plaisir à aller à la rencontre des professionnels afin de leur faire découvrir les véritables usages métiers de la réalité virtuelle. C’est une démarche collaborative : ils nous communiquent les problèmes qu’ils cherchent à résoudre, nous leur proposons une solution technologique appropriée, et nous créons ainsi conjointement de nouveaux cas d’usage pertinents. La clé du succès est de considérer la VR comme un véritable outil pour les entreprises, à l’instar de nos logiciels de CRM ou de CAO aujourd’hui profondément ancrés dans les process des entreprises.
Merci !
Propos recueillis par Stanislas Marciniak [26/07/2017]
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